LE THÉÂTRE DU REMPART DE SEMUR-EN-AUXOIS
Le Théâtre du Rempart de Semur-en-Auxois, espace de culture, de sociabilité, d’échanges et de distraction, est un lieu central, nécessaire à la vie locale de la cité médiévale. Il connaît un nouvel essor depuis sa restauration initiée en 2017. Nous souhaitions partager avec vous son histoire pleine de rebondissements !
Théâtre du Rempart de Semur-en-Auxois ©RochanaHachem
Archives départementales ©Kréastyl
Initialement installée dans le bourg Notre-Dame, la salle de spectacles est alors peu entretenue. À tel point que le Sous-Préfet J. Vatout alerte le maire de la ville, F. Joly de Saint Florent, de l’inconvenance à recevoir des dames dans cette salle (un bien bel argument galant digne de cette époque). Bien conscient de la vétusté des lieux, le conseil municipal n’a, hélas, pas les moyens de financer un nouveau théâtre. Mais, revirement de situation lorsque Lazare Gueneau d’Aumont fait par testament le 10 décembre 1840 don d’un terrain à la ville : « pour l’utiliser de la manière la plus avantageuse à la ville et à ses habitants, soit en y plaçant des écoles, soit en y fondant tout autre établissement d’utilité publique » ! À cela s’ajoute une somme de 3000 francs pour les premiers frais (une somme bien rondelette à l’époque). La décision est prise d’affecter le legs à la construction « d’une salle destinée aux réunions publiques ».Le bâtiment doit s’élever à proximité de la halle aux blés et va s’appuyer à la tour Margot, l’une des quatre tours du donjon édifié dans la seconde moitié du XIIIe siècle.
Maurice Flamand, architecte semurois, est nommé pour assurer la maîtrise d’ouvrage du théâtre. Très rapidement, l’architecte comprend qu’il va devoir composer avec la problématique de l’espace. En effet, la parcelle est tout en longueur, coincée entre la tour Margot et la rue. Quant à la largeur, celle-ci est très restreinte. Ces deux contraintes vont se traduire par la création d’un hall exiguë et par l’utilisation de la tour Margot comme arrière-scène. M. Flamand propose plusieurs projets susceptibles de répondre aux différents besoins et utilisations du lieu. Le temps passe mais le projet reste à ses prémices. Armand Bruzard, adjoint au maire et personnalité locale influente, se saisit du dossier dès 1843. Il sollicite son frère Félix, architecte réputé installé à Paris, pour avoir son avis. Ensemble, ils reprennent le projet en main avec un impératif : « On désire une salle très simple, mais disposée avec goût ; on ne peut y dépenser qu’une somme modique ». Très rapidement, les premiers plans s’orientent vers un théâtre dit « à l’italienne » avec une salle en forme caractéristique de fer à cheval. Un lieu inspire toutefois les futurs plans : il s’agit du « théâtre-école des jeunes artistes » situé à Paris.
Archives municipales de Semur-en-Auxois, plan 1812, cliché kreastyl.fr
Archives départementales de la Côte d’Or, série II O 603 18
Le 21 février 1844, le Préfet approuve le projet et la consultation des entreprises peut être lancée. Si Maurice Flamand reste l’architecte, le jeune Jean-Jacques Grosley, protégé des frères Bruzard et architecte prometteur, va prendre une part active dans les travaux intérieurs. Plusieurs plans proposant les décors sont signés de sa main.
Les travaux doivent s’achever le 1er octobre 1845, mais le chantier prend du retard, la ville peine à trouver les financements pour terminer les travaux. La réception provisoire des travaux se fait le 25 mai 1847, et c’est J.J Grosley qui dresse le procès verbal. A l’initiative de quelques particuliers aisés, les décors sont réalisés en 1848 et un accord est passé avec la ville qui s’engage à rembourser sur 10 ans les décors par annuité de 500 francs et cela sans intérêt.
Le 24 octobre 1847 la salle est inaugurée proposant « La Demoiselle à marier » d’Eugène Scribe. Cette salle de « réunions publiques » comme on aime à la nommer est très appréciée des Semurois.
Suite à une représentation, dans la nuit du 5 août 1901, un incendie détruit complètement le bâtiment. Celui-ci était un des premiers lieux de la ville à avoir bénéficié de l’électricité, la tour Margot est également endommagée. La population est sous le choc car c’était un lieu incontournable de la ville, un espace où chacun se retrouvait pour se divertir. La municipalité décide sur le champ de le reconstruire dans son « style Empire » d’origine, et sur le même emplacement. L’architecte voyer de la ville, Hector Marcorelles, est chargé de proposer des plans. Les contraintes financières conduisent à la décision de reconstruire le théâtre tel qu’il était mais avec des aménagements modernes, tel que le chauffage central, les installations électriques pour des projections lumineuses.
Là encore, les travaux prennent du retard et suscitent des polémiques et des débats au sein du conseil municipal. En 1903, le jeune artiste Henri Collin, dont la famille est originaire de Semur, propose de réaliser gracieusement le décor du plafond. Inspirée « du triomphe de la beauté charmée par la musique, au milieu des heures du jour et de la nuit » peint par Lenepveu en 1872 à l’Opéra Garnier, Henri Collin l’adapte à la mode de ce début de XXe siècle et y introduit cette phrase « sibylline » : A bas la calotte… alors que le pays débat sur la question de la séparation de l’Église et de l’État, ce qui ne manque pas de soulever des échanges houleux chez les Semurois.
Archives départementales de la Côte d’Or, série II O 603 18
Texte : Céline Duchesne, service Patrimoine de la ville de Semur-en-Auxois.